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Voler en autogire ?

 

article de Daniel paru dans VOL MOTEUR n°127 de novembre 1996.

Lorsque nous observons un autogire, il semble différent de ce que nous avons l'habitude de voìr voler. Il ne ressemble pas du tout à un avion et un tout petit peu à un hélicoptère. Mais comment vole un autogire ? Est-ce que ses caractéristiques de vol sont différentes de celles d'un avion ? D'un hélicoptère ? Etonnamment, la plupart des gens ignorent l'originalité de l'autogire et décident a priori qu'il doit voler plus ou moins comme un avion. C'est le cas de ce pilote privé, bourré d'heures sur son propre avion et ayant décidé qu'un autogire devait voler comme un avion. Ayant refusé un minimum de formation, il a décollé avec un appareil qu'il venait de construire. ll s'est évidemment crashé. Le plus surprenant de l'histoire est que, l'appareil reconstruit et toujours persuadé que son appareil devait voler comme un avion, il a recommencé. Décollage et nouveau crash! Soyons donc clairs : un autogire ne vole pas comme un avion. ll a ses propres caractéristiques de vol et bien qu'il vole un peu comme un hélicoptère le plus malin est de dire que l'autogire vole comme un autogire !
Ce n'est pas un appareil très difficile à piloter. ll est certainement plus facile qu'un hélicoptère, et à plusieurs égards plus facile qu'un avion. Les personnes qui le trouvent facile à piloter sont celles qui ont assimilé ses caractéristiques particulières. Une fois le fonctionnement bien compris, il est relativement facile à faire voler.

Avantages de l'autogire.

Le terme autogire définit tout appareil volant, muni d'un rotor non entraîné par un moteur. L'autogire a été imaginé en vue d'éliminer le décrochage. Son inventeur, l'Espagnol Juan de la Cierva, l'a conçu après avoir détruit pour cette raison un avion qu'il venait de construire. Parfant de rien, dès le quatrième prototype, le pari était complètement réussi. Dans les années qui suivirent, ii apporfa de nombreuses améliorations à son "Autogiro" de 1923. Non seulement il inventa l'autogire mais on peut dire que, sans ses découverfes, l'hélicoptère n'aurait jamais pu voler. Dans les années 50, un ingénieur, le Dr lgor Bensen, a introduit le moteur propulsif, ainsi que le couplage rigide des deux pales. ll a appelé ce nouvel appareil de conception simple et très léger : "Gyrocopter". Tous les autogires actuels s'inspirent de cette configuration.

l. Les autogires ne décrochent pas.
Si vous essayez de voler de plus en plus lentement sur un avion, vous arriverez fatalement au décrochage. En dessous d'une certaine vitesse, l'aile s'arrête subitement et brutalement de porter. L'avion va s'enfoncer, en poussant le manche, il reprendra peut-être la vitesse permettant de revoler normalement. Si un avion décroche près du sol, il a peu de chances de survie. L'autogire par contre ne peut décrocher. Ses 'ailes" constituées par les pales du rotor tournent à environ 350 tr/mn, ce qui conduit à une vitesse en bout de pale de 450 km/h. Que vous voliez aussi lentement que vous le vouliez, cette vitesse circulaire des "ailes" variera peu et vous garderez le contrôle. Et plutôt que de voir le nez de votre appareil partir dans un terrible plongeon, l'autogire perdra de l'altitude à très faible vitesse. Bien contrôlé, l'autogire pourra être remis en ligne de vol normal, ou bien il pourra être posé.

2. Les autogires ne partent pas en vrille.
Sur un avion, la mise en vrille intervient quand une aile décroche alors que l'autre continue de voler. Puisque l'autogire ne peut décrocher, il ne peut non plus se mettre en vrille !

3. Les autogires peuvent voler lentement.
Cet avantage découle directement des remarques précédentes sur l'absence de décrochage. ll est possible, à une altitude suffisante, de ralentir l'autogire jusqu'à arrêt de la translation. Cette manoeuvre se traduit par une mise en descente verficale, le mouvement de l'air continuant à alimenter le rotor. Le retour en vol stabilisé horizontal se fait en rendant légèrement la main avec une perfe d'altitude de quelques mètres. Si le vent de face est forf, il peut même faire une marche arrière par rapport au sol.

4. Les autogires ne sont pas sensibles aux facteurs de charge positifs.
Les pilotes d'avion de voltige ont l'oeil rivé au "G-mètre" qui mesure le "facteur de charge", il représente l'augmentation des forces qui, au cours de manoeuvres, vont s'appliquer à toute la structure. Un dépassement de cerfaines limites de construction entraîne une détérioration de la structure pouvant entraîner des ruptures fatales. Ce problème n'existe pas pour l'autogire : si vous essayez d'augmenter le facteur de charge, en virage par exemple, l'air va s'échapper à travers le "disque rotor" et ainsi limiter la charge positive à 3,5 g une valeur relativement faible qui permet de concevoir des cellules plus légères que celle des avions. Nous verrons malheureusement plus loin que les facteurs de charge négatifs sont à proscrire impérativement.

5. Les autogires ont une "charge alaire par pale" très forte.
Pour les hélicoptères ainsi que les autogires, on définit la "charge rotorique" en divisant le poids total en charge par la surface du disque balayé par le rotor. Cette charge théorique est comparable, en matière de vitesse minimum, à celles des appareils à voilure fixe mais, en réalité, nos vaillantes petites pales attaquent l'air à des vitesses dignes d'un avion turbopropulsé. La charge alaire sur une pale atteint 150 kg/m2, bien supérieure à celle d'un Bonanza ! Pratiquement, les turbulences sont plus ou moins découpées en tranche, et cette insensibilité aux excès d'Eole se retrouve également dans les manoeuvres au sol. ll est ainsi possible de voler avec des météos qui clouent dans les hangars nos chers pendulaires et la plupart des multi-axes.

6. Les autogires peuvent voler très lentement en ajoutant de la puissance.

 

Si un autogire ne décroche pas et posséde tous les avantages qui viennent d'être cités, est-il à l'abri de tous dangers ? La réponse est hélas "NON". Comme tout système mécanique mettant en jeu beaucoup d'énergie, les autogires sont dangereux. Il ne viendrait à personne i'idée de monter dans une automobile sans s'inquiéter de la sécurité et des dangers. En voiture, vous managez un risque et vous ne pensez pas en général avoir un accident. De même l'autogire, malgré son allure bizarre, peut être managé de manière à en réduire les risques potentiels au minimum.

Limitations de l'autogire

Cinq des plus importantes sont décrites ci.après.

1. Détériorations au sol
Pour décoller, il est nécessaire d'amener le rotor à une certaine vitesse de rotation. Celle-ci peu être initiée à la main ou aidée par un prélanceur, ensuite on commence à rouler doucement en accélérant progressivement de manière à entraîner une rotation de plus en plus rapide du rotor. On continue jusqu'à obtenir la valeur nécessaire au décollage. Cette mise en rotation est difficile car les forces autorotatives sont très faibles au début, on peut assimiler ce pénible démarrage à celui d'une voiture en 5e. Une vitesse de roulage trop rapide en regard des tours rotor peut entraîner le "battement" des pales, celles.ci se mettent à battre d'une butée à l'autre et peuvent endommager sérieusement la tête du rotor.
Remède : Formation et pratique pour apprendre à rouler à la bonne vitesse. Il faut aussi mettre le rotor à l'horizontale dans les virages et près des obstacles. C'est évident, et ce n'est pas un crime de le répéter: la check-list de la prévol prévoira une inspection soignée des pales et de la tête.

2. Passer au 2ème régime
Pour éviter d'entrer dans les explications habituelles à l'aide de courbes, le 2ème régime peut se caractériser plus simplement par une vitesse devenue si basse qu'il est impossible de garder une altitude même en poussant les gaz à fond. Par exemple: après un décollage, on parcourt à quelques fractions de mètres toute la piste à très faible vìtesse et forte puissance moteur. Dans cette configuratìon il est probable que l'on sera au 2 régime et qu'il sera impossible de prendre de l'altitude en bout de piste ! Autre cas : en vol, faire un virage dos au vent sans bien contrôler sa vitesse, cette configuration fatale en avion peut au maximum obliger l'autogire à un poser non voulu.
Remède : avoir suffisamment de vitesse ou de réserve de puissance moteur. Ce que ne peut faire un avion qui décroche, un autogire le peut : remonter comme sur un escalier en mettant la "pêche".

3. Début de décrochage de la pale reculante.
Les autogires ne décrochent pas. lls ne le peuvent pas. Alors ? Nous avons vu qu'en vol normal le bout des pales du rotor a une vitesse d'environ 450 km/h. La vitesse de vol en translation augmente la vitesse de la pale avançante et diminue celle de la pale reculante. On a donc la possibilité d'arriver à un décrochage progressant du milieu vers l'extrémité de la pale reculante, et ceci, toujours d'après notre cher Bensen, pour des vitesses supérieures à 200 km/h ! Cette éventualité n'est pas brutale comme dans un avion, c'est juste une tendance à un roulis vers la gauche, annoncée par des vibrations au double de la fréquence rotor, cette tendance peut être facilement contrôlée par le pilote.
Remède : On n'entend pas souvent parler de décrochage de la pale reculante parmi les pilotes d'autogire. Ceux-ci considèrent que cette possibilité n'est pas trés sérieuse. D'aprés Bensen, cette éventualité n'est connue que des pilotes d'essais et des ingénieurs.

4. Voler à G nul ou négatif
Cette situation très dangereuse peut être heureusement évitée. Si vous réalisez une trajectoire ascendante en forme de doche, vous vous retrouverez en train de flotter dans votre siège : vous serez à zéro G. Cette trajectoire qui peut être excitante dans un manége de foire, ou bien utile dans l'entraînement des astronautes, est mortelle en autogire.
Remède: Laissons de nouveau la parole au Dr lgor Bensen "Un autogire ne doit jamais voler à zéro G pendant plus de deux ou trois secondes, car la vitesse rotor décroît, celui-ci n'étant plus alimenté par le courant d'air. Des excursions courtes à G zéro ou négatif ne sont pas dangereuses et peuvent même survenir en conditions turbulentes sans effets critiques. Ainsi, les vols à G zéro ou négatif doivent être craints mais ne doivent pas être provoqués par le pilote pendant des durées supérieures à deux ou trois secondes. " ll est donc fortement recommandé de ne pas voler volontairement à zéro G même pendant un court instant. Ce n'est pas difficile à éviter. ll ne faut pas,essayer des manoeuvres acrobatiques ou extrêmes avec un autogire. ll ne faut pas faire la "doche !", des mises en montée brutales, des virages violents. Faites des manoeuvres simples, le plaisir de piloter un autogire est suffisamment excitant par lui.même.

5. Le marsouinage (PIO: Pilote Induced Oscillation)
Cette situation dangereuse est certainement la plus connue dans le milieu de l'autogire. L'oscillation induite par le pilote (PIO) ou marsouinage touche surtout les débutants au cours de leurs premiers vols. Cette situation se traduit par un mouvement de tangage de l'appareil qui, alternativement, monte et plonge de plus en plus brutalement. Cette oscillation non contrôlée peut devenir destructrice : les pales touchent l'hélice ou la dérive, ou bien le rotor passe en G négatif et n'est plus alimenté. C'est ce problème qui a conduit à une profusion de critiques à l'égard des autogires. Est-ce la faute de l'autogire ? Bensen dit "Non". C'est le pilote, en général débutant, qui provoque le marsouinage, pas la machine. Le déclenchement du marsouinage est dû au fait que le pilote est trop lent sur le manche. Si la machine lève le nez, il corrige en réduisant les gaz et en mettant le manche en avant. Mais l'appareil se comporte comme un pendule suspendu au rotor et est déjà prêt à revenir vers le bas. L'action du pilote va aggraver la plongée qui suit qu'il va corriger en augmentant les gaz et en mettant le manche en arrière. Mais de nouveau son action a lieu au moment ou l'appareil commence à revenir vers l'avant. Le résultat se traduit par une montée encore plus forte. Et inexorablement les actions du pilote augmentent ces oscillations et rendent de plus en plus méchantes les montées et les plongées. L'expérience montre heureusement que l'on peut contrôler le marsouinage.

Remède : Formation, encore formation, toujours formation... ainsi qu' un bon stabilisateur horizontal...

La construction de la machine est un gage de sécurité, trop souvent méconnu. Un stabilisateur suffisant rend les machines bien plus sures.
Même si les machines doivent être conçues plus sécurisantes, la formation pratique reste indispensable. La règle actuelle aux USA est d'effectuer quinze heures de cours avant le brevet ! lls arrivent à une statistique d'accident sur autogire égale aux deux tiers de celle de l'aviation légère ! ll faut donc développer de bons réflexes sur le manche, et apprendre à contrôler le rythme rapide des réactions de l'autogire. Les caractéristiques de construction permettent également de limiter les tendances au marsouinage. Le trim de la tête de rotor doit être bien réglé, 11 faut l'ajuster, sur un autogire standard, de façon à ce que les efforts au manche soient annulés pour une vitesse de vol d'environ 80/90 km/h. ll faut d'autre part tenir le manche comme un petit oiseau, ne pas le tuer ni le laisser s'envoler... L'autre élément stabilisateur est un empennage horizontal suflisamment grand. Ceci n'est pas bien compris par certains pilotes confirmés qui le considèrent souvent comme inutile. Si par malheur vous entrez en marsouinage, REDUISEZ LES GAZ. Si l'altitude le permet, reprenez progressivement une trajectoire horizontale en remettant doucement les gaz, sinon essayez d'atterrir le plus proprement possible...

http://gyrostar.fr Daniel AUBIN